© Eleonora Schiavi, Hélène Coussedière
La disparition des platanes situés sur le domaine de Chérioux, à l’occasion de l’extension du lycée, nous fait réfléchir à leur valeur en tant qu’éléments fondateurs de ce parc départemental de 36 ha : à la place que nous accordons chacun à la présence de ces êtres vivants face à leur possible disparition. Il faut donc entrer en lutte, documenter ces arbres pour infléchir la situation.
Cette matière vivante porte une mémoire dans sa matière : on peut y lire la trace du temps et des empreintes des différents récits. Ils portent la réminiscence des histoires oubliées, humaines comme naturelles, tout en étant encore présent.
L’arbre accompagne la vie de l'homme comme un abri pour les animaux, une source de vie : il grandit et s'adapte au climat, à la présence humaine qui l’oblige parfois à se déformer. Il favorise le développement des lichens et des champignons : il communique avec eux par le biais du sol, dont il tire ses nutriments. Il est habité et habitat, et peut être défini comme milieu.
Si nous reprenons la définition de J. Von Uexkull, l’Umwelt (milieu) est le monde auquel les espèces réagissent et qui leur est favorable. Ce monde résulte de la perception et de l’interprétation d’un même stimulus par différents individus. Un Umwelt peut donc être divisé en différents Umwelten.
L’arbre possède ces stimuli, c’est un macro "monde" auquel l’homme, comme les animaux et les plantes, répond en l’occupant et en le percevant. Il peut donc être le SUPPORT d’une cabane, d’une action artistique (voir l’art de Penone, par exemple), un espace de vie pour les lichens, les champignons, une source de nourriture pour les oiseaux, un refuge pour certains insectes, etc.
L’arbre habité le lieu, par ses racines il dialogue avec les autres entités du territoire, il est un acteur à son tour impliqué dans la construction du paysage et des liens territoriaux. Ces histoires sont donc nombreuses.
En analysant ses cercles de croissance, nous pouvons lire l’histoire de son adaptabilité et de ses changements.
Comment créer de nouveaux récits collectifs à partir de ces traces, des perceptions possibles du milieu arbre lui-même?
Comment pouvons-nous faire remonter la voix des arbres?
Quelle système de traduction pouvons-nous imaginer afin d’exprimer ce que le vivant dit avec d’autres formes d’expression?
Comme le soutient Tim Ingold, objets et êtres peuvent s’entremêler dans des représentations d’habitats variés qui naissent de leurs mouvements et de leurs croisements, de communs anthropiques, comme de communs du vivant.
Les artefacts et les écofacts, dans le cas des arbres, laissent des traces de vie dans le temps comme dans l’espace. Ils constituent un palimpseste actif, non figés par une valeur anthropique : ils changent en fonction de qui les perçoivent, sont relationnels.
Chaque point de vue, chaque histoire est un fragment de l’être arbre (A. Caquelin). Il est mis en valeur comme pièce singulière qui nous permet d’augmenter le rapport qu’il entretient avec son environnement et qui pourrait révéler la complexité de l’arbre et de ses lectures possibles. La recherche action s’effectue selon nous par un recueil de récits (écrits, illustrés, composés, etc.) issus de l’observation pluridisciplinaire de l’arbre en tant que tel.
La cartographie/ retranscription plastique seront nos outils pour retranscrire cette enquête : tradition orale, révélation de l'invisible, ce que les êtres humains ne peuvent voir avec leurs yeux. Ainsi, écologues, artistes, historiens, dendrologues, photographes, étudiants, etc. seront tous impliqués.
La combinaison de ces points de vue et perceptions permettra de déceler la capacité de l’arbre à produire des histoires, à faire valeur de mémoire, à raconter sa capacité d’adaptation, sa valeur sociale, environnementale et, pourquoi pas, artistique.
​